SAINT THOMAS D’AQUIN

BIOGRAPHIE

Saint Thomas naît en Italie à Roccaseca dans la région de Naples en 1225 ou 1226, il entre en 1244 chez les dominicains, fondé dix ans auparavant à Toulouse en 1215 par saint Dominique. Il étudie à Paris de 1245/1246 à 1248, puis il est assistant de saint Albert le Grand à Cologne de 1248 à 1252. Il revient à Paris de 1252 à 1256 pour y enseigner comme bachelier sententiaire. Il commente les Sentences de Pierre Lombard, qui est un ouvrage de référence jusqu’au XVIe siècle pour l’étude de la théologie en quatre livres. Il rédige ensuite son Commentaire des Sentences, sa première œuvre d’envergure, avant le Contra Gentiles et la Summa theologiae. De même commente-t-il plusieurs livres de la Bible, comme il le fera tout au long de sa carrière. À Paris encore, il devient régent des études, c’est-à-dire responsable des études d’une province et pour les dominicains de cette province. Il est alors « Maître-Régent » de 1256 à 1259. Ensuite, il est désigné par le chapitre général de Valenciennes de 1259 pour enseigner en Italie à Naples de 1259 à 1261. Il est nommé lecteur conventuel, c’est-à-dire chargé de l’animation intellectuelle, philosophique et théologique du couvent d’Orvieto de 1261 à 1265. Il y achève le Contra Gentiles commencé en 1257. Il est nommé « Maître-Régent » à Rome entre 1265 et 1268. C’est là qu’il entreprend la rédaction de la première partie de la Summa theologiae, la prima pars, qui traite de Dieu et de son oeuvre de création. Ensuite, il retourne à Paris pour la troisième fois, de 1268 à 1272. Il y écrit la deuxième partie de la Summa, ce qu’on appelle la secunda pars, qui concerne la vie morale humaine. Au printemps 1272, il quitte Paris et revient à Naples, où il y est nommé « Maître-Régent » jusqu’en février 1274. Il est alors convoqué pour participer au second concile de Lyon, concile d’union avec les grecs séparés de Rome depuis 1054. C’est à Naples qu’il écrit la troisième partie de la Summa, ce qu’on désigne par la tertia pars, qui traite du Christ rédempteur, des sacrements et des fins dernières. Il ne peut aller jusqu’au bout de son entreprise, il s’arrête alors qu’il aborde le sacrement de pénitence, après quoi il n’aura plus les moyens et le temps de l’achever. Affaibli, épuisé, il meurt le 7 mars à Fonsanova au sud de Rome, sur la route qui devait le conduire au concile de Lyon. Saint Thomas est canonisé le 18 juillet 1323. Il est proclamé Docteur de l’Église par le pape saint Pie V, le 15 avril 1567, et Docteur commun de l’Église en 1923 par le pape Pie XI.

On lui doit près de 80 ouvrages : opuscules, lettres, expertises, traités, sommes ou synthèses, ouvrages polémiques, questions disputées et quodlibétiques, commentaires bibliques, commentaires philosophiques d’oeuvres d’Aristote, sermons et prières, office liturgique, dont seulement un peu plus de la moitié sont actuellement traduits en français.

CHRONOLOGIE

1215 est l’année de fondation à Toulouse de l’Ordre des Prêcheurs par saint Dominique (vers 1174-1221).

Entre 1225 et 1226, saint Thomas naît au chateau de Rocasseca, près de Naples, dans la famille d’Aquino.

De 1230 à 1239, il est placé comme oblat par ses parents à l’abbaye bénédictine du Mont-Cassin.

De 1239 à 1244, il entreprend des études universitaires à Naples, au studium generale de la ville.

En 1244, saint Thomas reçoit l’habit de l’Ordre au couvent des dominicains de Naples.

De 1244 à 1245, la famille de Thomas, qui s’oppose à sa vocation, le retient en détention au château de famille de Roccaseca. Il peut retourner libre au couvent de Naples à l’automne 1245.

Entre 1246 et 1248, il étudie à Paris à l’université, où il suit surtout l’enseignement de saint Albert le Grand.

De 1248 à 1252, tout en continuant ses études, il est assistant d’Albert à l’université de Cologne.

De 1252 à 1256, il enseigne à Paris comme bachelier sententiaire. Il commente les livres d’Isaie (Super Isaiam) et de Jérémie (Super Jeremiam). Entre 1252 et 1256, il rédige son Commentaire des Sentences de Pierre Lombard (Scriptum super libros Sententiarum) ; De l’être et de l’essence (De ente et essentia) ; et Les principes de la nature (De principiis naturae).

Entre 1256 et 1259, il est admis pour la licentia docendi en février 1256, ce qui lui donne la faculté d’enseigner comme Maître en théologie. Il devient « Maître-Régent » à Paris, où il rédige la question disputée De la vérité (De veritate) entre 1256 et 1259 ; les Quodlibets VII-XI ; le Contre les ennemis du culte de Dieu et de l’état religieux (Contra impugnantes Dei cultuel et religionem) en 1256 ; et le commentaire du De Trinitate de Boèce (Super boetium De Trinitate), entre 1257 et 1258.

Entre 1259 et 1261, saint Thomas qui revient en Italie, peut-être à Naples, à la fin de l’été 1259, écrit la Somme contre les gentils (Contra Gentiles), au moins le début du livre I, dont la première rédaction se situe autour 1258, peut-être début 1259. À la suite du chapitre général de Valenciennes (juin 1259), au couvent d’Orvieto où il est nommé lecteur, il achève le livre I du Contra Gentiles.

De 1261 à 1265, il achève le Contra Gentiles, livres I-IV (1261-1265) ; il écrit à la suite, et parfois en même temps, l’Abrégé de théologie (Compendium theologiae), entre 1261 et 1265, un Contre les erreurs des grecs (Contra errores graecorum), entre 1263 et 1264. Il entreprend le commentaire des lettres de saint Paul (1263) qu’il achèvera en 1272 (Lectura in epistolas Pauli), le commentaire du livre de Job (Expositio super Job) entre 1263 et 1265. Il est l’auteur en 1264, sur demande pontificale, de l’Office du Saint-Sacrement (Officium de festo Corporis Christi). Enfin, on lui doit Des raisons de la foi (De rationibus fidei) dans l’année 1265. On compte aussi la Catena aurea, qui constitue la mise en forme d’une glose continue sur les évangiles, à partir des commentaires patristiques, que l’on appelle Glossa continua super Evangelia, entre 1263 et 1268.

De 1265 à 1268, il va à Rome où il est élu « Maître-Régent ». Ce seront quatre années intenses, avec la suite de la rédaction de la Catena ; la question disputée De la puissance (De potentia) de 1265 à 1266 ; le commentaire des Noms divins de Denys (Super librum Dionysii De divinis nominibus) entre 1266 et 1268 ; la question disputée De l’âme (De anima) entre 1266 et 1267 ; et son commentaire du traité De l’âme d’Aristote (Sentencia libri De anima), qui lui fait suite, entre 1267 et 1268 ; en même temps que la question disputée Les créatures spirituelles (De spiritualibus creaturis). De 1265 à 1268, il rédige la première partie de la Somme de théologie (Summa theologiae).

De 1268 à 1272, il effectue une deuxième régence parisienne au cours de laquelle il écrit plus de 25 ouvrages : Quodlibets I-VI et XII ; un commentaire du livre Des sens d’Aristote (Sentencia libri De sensu) entre 1268 et 1269 ; La forme d’absolution (De forma absolutionis) de 1269 ; La perfection de la vie spirituelle (De perfectione spiritualis vitae), entre 1269 et 1270. Les années 1270-1272 à Paris, puis les années 1272-1274 à Naples, seront les plus abondantes et les plus fécondes de sa carrière. plusieurs oeuvres étant écrites dans la même période :

Le commentaire des Physiques (Expositio libri Physicorum), entre 1268 à 1270 ; L’unité de l’intellect (De unitate intellectus) à la fin de 1270 ; Contre l’enseignement de ceux qui détournent de l’état religieux (Contra doctrinam retrahentium a religione), entre 1270 et 1271 ; le Commentaire de l’évangile de saint Jean (Lectura in Johannis evangelium), entre 1270 et 1271 ; la question disputée Du mal (De malo) entre 1270 et 1271 ; le commentaire du traité de l’Interprétation d’Aristote (De interpretatione ou Peryermenias), entre 1270 et 1271 ; L’éternité du monde (De aeternitate mundi) en 1271 ; la première partie (prima secundae) de la deuxième partie (Secunda pars) de la Somme de théologie en 1271 ; l’achévement du commentaire des épîtres de saint Paul, d’abord à Paris, entre 1271 et 1272 puis en 1272 et 1273 à Naples, l’épître aux Hébreux comprise ; le commentaire de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote (Sententia libri Ethicorum) entre 1271-1272 ; le commentaire des Politiques d’Aristote, probablement dans l’année 1272 ; le traité sur les vertus (De virtutibus), entre 1271-1272 ; la deuxième partie (secunda secundae) de la deuxième partie (Secunda pars) de la Somme de théologie entre 1271 et 1272 ; l’exposition sur les Seconds analytiques d’Aristote (Expositio libri Posteriorum) en 1271, qu’il achève à Naples dans l’année 1272 ; la question disputée sur L’union du Verbe incarnée (De unione Verbi incarnati) en 1272.

De 1272 à 1274, saint Thomas est à Naples comme Maître-Régent, il y écrit :

Entre 1272 et 1273, la troisième partie (Tertia pars) de la Somme de théologie, questions 1 à 90 ; le commentaire des Métaphysiques d’Aristote (Expositio libri Metaphysicae), qu’il avait commencé à Paris en 1271, et qu’il achève à Naples en 1272 et 1273 ; le commentaire sur La génération et la corruption d’Aristote (Sententia super libros De generatione et corruptione) entre 1272 et 1273 ; le commentaire du livre néoplatonicien Livre des causes (Expositio libri De causis) en 1272, écrit entre Paris et Naples ; le commentaire inachevé Du ciel et du monde d’Aristote (De caelo et mundo) entre 1272 et 1273 ; le commentaire inachevé des psaumes (Lectura in Psalmos) de 1273 ; les brefs commentaires des dix commandements, du Credo et de l’Ave Maria (Collationes) de 1273.

En février 1274, il part épuisé de Naples pour le concile de Lyon II. Il meurt sur la route à l’abbaye cistercienne de Fonsanova, ayant dicté l’Adoro te, et auparavant, à Aquino, la Lettre à Bernard Ayglier, abbé du Mont-Cassin (Epistola ad Bernardum abbatum casinensem), qui sont ces deux ultimes écrits.

CANONISATION

Saint Thomas meurt en 1274, sa réputation, qui est déjà grande, grandit encore, une réputation de sainteté et de génie, ce que le pape Jean XXII (1316-1334) sanctionnera par une canonisation à Avignon en 1323. Cet admirateur et lecteur de Thomas, approuve la démarche de la province de Sicile en 1317 de promouvoir sa canonisation. Son biographe, Guillaume de Tocco, prieur du couvent de Bénévent, avait déjà entrepris plusieurs démarches pour collationner des informations sur la vie et les miracles du saint qu’il présentera au pape en 1318. Il arrive à Avignon en août, porteur d’une requête des grands du royaume de Sicile, d’un dossier de miracles et d’une biographie, son Ystoria sancti Thomae de Aquino. La cause est introduite en septembre 1318 et Tocco dirigea l’enquête à Naples, province dont dépendait saint Thomas à sa mort. En 1321 eut lieu, sur ordre du pape, une deuxième enquête avec trois nouveaux délégués, selon une nouvelle procédure, dont Jean de Naples, un fidèle de saint Thomas, était le rapporteur. Le culte, qui apparaît dès la mort du saint, relayé dans tout l’Ordre par la suite, est soutenu par des cardinaux, membres du consistoire avignonnais de 1318, à qui le pape avait dit : « À lui seul il a plus éclairé l’Église que tous les autres docteurs ; et dans ses livres l’homme profite plus en un an, que durant tout le temps de sa vie dans la doctrine des autres » (1er mars 1318).

Thomas d’Aquin fût proclamé saint le 18 juillet 1323. La bulle de canonisation Redemptionem misit fait état de 300 miracles, ce qui constitue l’argument majeur d’une canonisation ; peu de choses, en revanche, sur la qualité de la doctrine du maître en sacra pagina, autrement dit sur la doctrine de l’Aquinate et son œuvre. Le pape souligne cependant, et c’est inhabituel, dans la considération des motifs de sainteté, la place de l’étude et de la prière dans la vie d’un disciple du Christ qui est un apôtre, un prêcheur et un docteur. Saint Thomas, modèle de fidélité au magistère romain, est exalté par le pontife dans plusieurs sermons, pour sa vie pauvre et son assiduité à l’étude de la Bible, la recherche de la vérité et l’intelligence de la foi. Le retentissement de cette canonisation fut considérable. Ceux qui nourrissaient encore quelques préventions durent s’incliner. En 1325, on annula la condamnation de 1277, année où l’évêque de Paris avait fait condamner en bloc toute une série de propositions, dont on disait qu’elles atteignaient le maître d’Aquin. Étienne Bourret, successeur d’Etienne Tempier, l’auteur de la condamnation de 1277, reconnaissait que l’acte de canonisation avait pour effet, non seulement de proposer à la piété des fidèles un modèle de sainteté, mais, et c’est ici décisif, de promouvoir une doctrine pure de la foi catholique. Celui qui était déjà désigné par beaucoup comme le Doctor eximius, ou excelletenssimus, est alors reconnu – dès 1316 pour les dominicains – comme le Doctor communis. Si l’Aquinate est un saint, sa doctrine aussi est sainte, c’est-à-dire juste et vraie.

RELIQUES DE SAINT THOMAS D’AQUIN

Mort à Fonsanova, sur la route qui devait le conduire au concile de Lyon hors d’un couvent dominicain, chez des cisterciens qui voulaient garder son corps, les frères prêcheurs entreprirent, non sans difficultés, de se faire restituer le corps du saint. Les moines et d’autres ecclésiastiques italiens cherchèrent à tout prix à empêcher cette revendication à exécution. Saint Thomas était revendiqué par tout le monde. Après des péripéties et des disputes surréalistes, les dominicains finirent par obtenir gain de cause. Ayant demandé que leurs soient restitués les restes du saint docteur, le pape Urbain V, par une bulle du 16 juin 1368, accéda à leur demande et décida leur transfert d’Italie au couvent des Jacobins de Toulouse dans le sud méridional et français. La piété présumée des toulousains, l’aura de son université et la célébrité de ses maîtres dominicains, la beauté de l’église justifièrent cette décision, alors que le maître d’Aquin n’y enseigna et n’y séjourna jamais. Après un long périple, les reliques parvinrent à la chapelle Notre-Dame du Férétra le 28 janvier 1369. On dit que 150 000 fidèles de Toulouse et de toute la région reçurent le cortège accompagnant les saintes reliques, puis se remirent en procession, échevins en tête jusqu’à l’église dominicaine des Jacobins. Là on plaça dans un coffre les reliques, puis peu de temps après on les mit dans un reliquaire placé dans un tabernacle de pierre, à côté de l’autel. On fit au reliquaire, rehaussé et décoré, un mausolée de pierre qui fut détruit à la révolution. A partir de 1791 les reliques de Saint Thomas d’Aquin furent protégées et transférées dans la basilique de Saint-Sernin, toute proche. plusieurs châsses leur furent données au XIX siècle. La période des persécutions antireligieuses à la fin du XIXe siècle jusqu’aux inventaires de 1905 n’eurent pas d’incidences graves pour les reliques, mais depuis la période révolutionnaire les reliques du saint dominicain n’étaient plus sous la responsabilité des frères pêcheurs, ni même plus tard lorsque Lacordaire restaura l’Ordre. Le diocèse de Toulouse s’en fit le protecteur. Ce n’est qu’en 1974, par un accord entre les Jacobins, dépendant de la ville, l’archevêché de Toulouse et les dominicains du couvent de Rangueil, qu’elles revinrent au couvent des Jacobins, lorsque les travaux de restauration de l’Église conventuelle furent suffisamment avancés pour que ce retour fut possible. Depuis, sous ce qui est aujourd’hui le maître autel, dans un coffre doré qui contient les reliques et malheureusement les cache, le chef de saint Thomas et une partie de son corps y sont conservés et offerts à la vénération des fidèles.